Je ne me souvenais plus de cette sensation. Ce flou, ce fourmillement. L’angoisse de fixer l’écran blanc, doigts sur le clavier. La respiration en arrière-plan. « Allez, laisse-toi aller ». C’est comme une première fois, tant la mémoire vacille. Been there, done that. J’ai écrit chaque jour sur cet ancien blog, sans craindre le regard de l’autre, le jugement de fond et forme, la mise à nu de tout ce que je pouvais être. Et dans mon souvenir, là, tout au fond, c’était si simple.
Comment recommence-t-on à écrire ?
Comment recommence-t-on à raconter ?
Comment recommence-t-on à flancher ?
Et puis, pourquoi vouloir le faire ?
Je pense que l’envie m’est venue en regardant la deuxième saison de Bref. Ce qui m’a, inévitablement, replongée dans le souvenir de qui j’étais quand la première saison est sortie. En trente secondes, j’ai été propulsée 14 ans en arrière et j’ai tapé mon meilleur sprint pour parcourir les souvenirs que j’avais de cette moitié de ma vie.
J’ai couru devant Flora qui reçoit son diplôme de secondaire. J’ai couru devant Flora qui n’aime pas ses études. J’ai couru devant Flora qui laisse son violeur dans un appartement tournaisien. J’ai couru devant Flora qui sort de sa sleeve. J’ai couru devant Flora qui quitte Léo sur le seuil d’une porte verte. J’ai couru devant Flora qui rencontre Renaud à un karaoké. J’ai couru devant Flora qui embrasse les joues froides de son parrain. J’ai couru devant Flora qui grimpe les marches de son premier appartement. J’ai couru devant Flora qui conduit sa vieille bagnole. J’ai couru devant Flora qui ferme le cercueil de sa grand-mère. J’ai couru devant Flora qui signe l’acte d’achat de sa maison. J’ai couru devant Flora qui épouse son meilleur ami en Converses. J’ai couru devant Flora qui s’enferme à l’arrivée de l’épidémie. J’ai couru devant Flora qui pose sa démission. J’ai couru devant Flora qui maudit un corps qui n’accueille que la mort et jamais la vie. J’ai couru devant Flora debout au bord de l’autoroute après l’accident. J’ai couru devant Flora incapable de se doucher seule. J’ai couru devant Flora qui se demande si vivre en vaut la peine. J’ai couru devant Flora qui reprend le chemin du travail. J’ai couru devant Flora qui ressent les premiers coups de pieds au creux de son ventre. J’ai couru devant Flora incapable de prendre le volant. J’ai couru devant Flora qui prend pour la première fois son bébé dans ses bras. J’ai couru devant Flora qui devient mère en s’occupant de l’enfant qu’elle a et de l’enfant qu’elle est. J’ai couru devant Flora qui pleure assise sur le plan de travail en fixant son verre de rouge. J’ai couru devant Flora qui sent l’angoisse s’atténuer sans jamais s’en aller.
J’ai couru devant Flora.
J’ai couru devant moi.
J’ai fait une pause.
Je ne veux plus courir devant moi.
Je veux courir avec moi.
Non.
Je veux marcher avec moi.
Alors j’ai décidé de revenir vers moi en revenant vers vous.
Aux yeux invisibles à qui montrer ce que personne ne voit. Aux lecteurs sans visages à qui raconter ce qu’on garde caché. Aux amis de passage qu’on ne croisera jamais.
Et pour ceux qui ont connu le premier blog, j’ai décidé de garder mes bonnes habitudes. Alors…
Le mot du jour :
Souplesse
La chanson du jour :
Numb – Linkin Park

Répondre à Laura Delin Annuler la réponse.