Je ne compte plus les fois où l’idée de reprendre le blog m’a traversé l’esprit. Une fois, dix fois, mille fois. Avec ce même feu dévorant d’avoir besoin de déverser sur le clavier ce qui me ronge. Et avec la même peur d’être lue.
Être lue, c’est se foutre à poil devant cinq, huit, vingt, septante, cent personnes. C’est accepter l’idée de dévoiler chaque millimètre de soi à des yeux inconnus, qui frôlent les mots comme ils pourraient frôler l’épiderme pudique et disgracieux, plein d’imperfections, de courbes, de creux, de vergetures, de cicatrices. Regardez moi, je suis nue, prenez des photos, des captures d’écrans, rendez ça réel.
Être lue, c’est accepter les visites sans conditions dans un lieu clos, une pièce intime bordée de miroirs sans teint. On danse sur le podium, ne sachant pas quel regard on réussira à capter au creux de la courbe, dans l’élan, qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Ouvrez les yeux, je suis là, derrière la vitre, ne loupez rien.
Être lue, c’est devoir dire la vérité. C’est faire sortir le pire de soi quand on s’entête à ne montrer que le meilleur au jour le jour, bien sûr ça va, mieux, merci, tout roule, mais devoir quand même préciser que les roues sont carrées et la route est pavée et le moteur est en panne. Non mais vraiment, comme sur des roulettes, prenez des notes et admirez la bête.
Être lue, c’est accepter de recevoir l’appel d’une amie qui s’inquiète, le message d’une mère qui est glacée d’apprendre que, le regard doux et triste d’un être aimé qu’on croise après avoir cliqué sur publier. Se retrouver face aux questions qu’on ne devait plus nier tant on maitrise l’art de la prestidigitation, du camouflage, de l’esquive. Plus rapide que son ombre, l’incarnation de Lucky Luke.
Être lue, c’est devenir vulnérable face à ceux qu’on aime (aimerait ?) tant impressionner. Par notre force, notre douceur, notre capacité de résilience, notre courage, notre côté astucieux. Devenir toute petite face à ceux qu’on aime, qu’on admire, qu’on envie, un peu, parfois, tout au fond. Qu’on jalouse. Même si c’est laid.
Parce qu’être lue, c’est accepter cette laideur. Cette zone sombre, qu’on aimerait garder bien cachée. C’est faire le deuil d’un soi confidentiel. C’est confier des secrets qu’on ne pensait pas avoir en soi.
C’est terrifiant.
C’est la liberté.
Et puis, c’est moi.

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